Réforme foncière au Burkina Faso : vers un nouveau paradigme juridique ?

Réforme foncière au Burkina Faso : vers un nouveau paradigme juridique ?

📍 Ouagadougou, mars 2025 – Le Burkina Faso amorce une réforme foncière d’envergure, redéfinissant les règles de gestion des terres. Cette réforme, qui met l'accent sur la centralisation de la gestion foncière, transfère la propriété des terres à l’État tout en introduisant des baux emphytéotiques à long terme, un cadre juridique renouvelé qui suscite débats et espoirs. Les objectifs de sécurisation foncière et d'attraction d’investissements se heurtent néanmoins à des inquiétudes sur son impact pour les populations rurales, principalement agricoles.

🔍 Une rupture avec le modèle foncier traditionnel
Le Burkina Faso, comme d'autres pays d'Afrique de l'Ouest, a longtemps reposé sur un système foncier bimodal :
1️⃣ Le droit coutumier, géré par les chefs traditionnels dans les zones rurales, dont l’accès à la terre est souvent basé sur la coutume et la tradition.
2️⃣ Le cadre juridique moderne, inspiré du modèle français, appliqué principalement dans les zones urbaines.

La réforme du 5 février 2025 met un terme à cette dualité en déclarant que toutes les terres appartiennent désormais à la Nation, et la propriété privée foncière n’est plus possible. À la place, des baux emphytéotiques d'une durée de 18 à 99 ans sont instaurés, permettant aux exploitants de jouir des terres à long terme tout en maintenant un contrôle étatique sur les ressources foncières.

🎯 Objectifs affichés par le gouvernement :
✅ Encadrer l’urbanisation et gérer l’occupation des terres rurales face à la croissance démographique.
✅ Attirer les investisseurs étrangers pour une meilleure productivité des terres et une transformation de l’économie rurale.
✅ Limiter la spéculation foncière, en régulant la vente et l’achat des terres.

Cependant, cette réforme implique des risques qu’il est crucial d’identifier et d’adresser pour garantir son succès.

⚖️ Un cadre juridique renforcé, mais un défi de mise en œuvre
🔹 La fin de la propriété privée foncière transforme la relation des Burkinabè avec leur terre, notamment pour les communautés rurales. Si l’introduction des baux emphytéotiques vise à sécuriser les droits fonciers des exploitants, elle soulève des questions sur la protection des populations rurales. Les agriculteurs et éleveurs traditionnels devront désormais se conformer à un système centralisé et administré par l’État.

🔹 L’attestation de possession foncière rurale, introduite dans la réforme, est un avancée significative, en fournissant un document officiel reconnu pour prouver la possession des terres. Mais pour que ce mécanisme soit réellement efficace, il est impératif que le gouvernement mette en place un système de gestion transparent, numérisé et accessible pour éviter les abus et les conflits.

🔹 L’administration foncière devra s’assurer que cette réforme ne se traduise pas par une centralisation excessive des décisions, au détriment des populations locales. Une mise en œuvre efficace des baux emphytéotiques dépendra de la capacité de l’État à gérer les litiges fonciers de manière rapide et impartiale.

🌍 Les impacts sur les populations rurales : un enjeu crucial
Le Burkina Faso est un pays où 80 % de la population dépend de l’agriculture, et où l’accès à la terre est essentiel pour la survie économique de nombreuses familles. Les craintes sont donc légitimes sur la capacité des réformes foncières à protéger les intérêts des communautés rurales tout en facilitant une gestion moderne des terres.

📌 Quels scénarios possibles pour le Burkina Faso ?
1️⃣ Une gouvernance foncière transparente et inclusive : Si le gouvernement parvient à garantir l'accès équitable aux terres, la réforme pourrait renforcer la sécurité foncière et prévenir la spéculation tout en soutenant la croissance économique des zones rurales.
2️⃣ Des ajustements nécessaires : La centralisation des terres, si elle n’est pas accompagnée de mécanismes de dialogue avec les acteurs locaux, pourrait entraîner des conflits et des résistances, notamment en raison de l’incertitude de certaines populations quant à leurs droits sur les terres.

🚨 Vers un cadre évolutif et équilibré ?
La réforme, entrée en vigueur en mars 2025, est perçue comme un outil potentiel de transformation économique et sociale pour le pays. Cependant, son succès dépendra de la capacité de l’administration à faire face aux défis complexes qu’elle soulève, notamment en matière de gestion foncière locale et de transparence.

Dans cette dynamique, les organisations paysannes, les acteurs de la société civile et les experts continueront de jouer un rôle fondamental pour garantir que les intérêts des plus vulnérables ne soient pas sacrifiés. La réforme pourrait ainsi être une occasion de renforcer les bases de la gouvernance foncière, en assurant une participation inclusive et en ajustant le cadre au fur et à mesure des retours d’expérience.

💡 À suivre sur Jurilight :
📢 Quelle place pour les collectivités locales dans la gestion foncière ?
📢 Comment garantir l’équité et la transparence dans la gestion des terres au Burkina Faso ?

📌 Jurilight – Votre boussole dans l’actualité juridique africaine.